criTiQue 0049 : c'est mathématique








Salutations,



Une fois n’est pas coutume, on va commencer cette critique pour une petite expérience mentale.
Ne vous inquiétez pas, ça ne fera pas mal !
Prêt ?

Alors voilà, il faut vous imaginer en train de vous promener…Il fait beau, tout va bien, quand, tout à coup, vous tombez sur une ancienne connaissance…
Au départ, vous êtes content, vous êtes en mode ‘Patrick Bruel’ : « T’as pas changé ! Qu’est-ce que tu deviens ? Tu t’es marié, t’as trois gamins ! »
Nostalgie, quand tu nous tiens…
Pourtant plus la conversation traine en longueur, plus vous avez du mal à vous rappeler comment vous avez pu trainer si longtemps avec cette personne…
Vous ne savez pas très bien si c’est vous ou votre interlocuteur qui a changé, mais peu vous importe, vous n’avez plus qu’une idée en tête : il faut que cette conversation gênante se termine le plus vite possible !

Si ça vous est déjà arrivé, ou si vous avez l’imagination assez agile pour vous mettre en situation ; alors vous comprendrez sans problème ce que j’ai ressenti en regardant ‘The cleaning lady’ !
« Aaah cette bonne vieille ‘network’ tv !
Comme cela faisait longtemps que je t’avais regardée ! De te revoir, là comme ça, ça me rappelle le bon vieux temps… »
Ça, c’est ce que je me suis dit au début de l’épisode…
Et si vous avez bien réalisé l’expérience mentale, vous comprendrez comment je me sentais à la fin…
Là, vous me dites: « c’est bien beau ton histoire, mais c’est quoi la ‘network tv’ ??? »
Votre question est légitime et je m’en vais donc vous expliquer :

Si je voulais grossir le trait, je dirais que ce sont les séries tv produites par les pendants américains de ‘TF1’, ‘France 2’, ‘La Une’ et consort.
Et qu’elle est la différence avec les autres ? Avec leurs demi-sœurs produites par les chaines câblées (les pendants américains de ‘Canal +’, par exemple, ‘HBO’, Showtime ou ‘Starz’) ou leurs cousines streaming (‘Netflix’, ‘Prime’ ou ‘Apple TV+’) ?
Là encore, si je voulais schématiser, je répondrais un peu platement : la liberté !
Mais de quelle liberté tu parles ?
De la liberté de faire ce que tu veux, Jean-Pierre !
Tu veux faire un épisode de 1h12 suivi d’un épisode de 53 minutes ?
Pas de problème !
Tu veux que ton personnage puisse fumer comme un pompier ?
Si ça te chante !
Tu veux montrer que ton héros est un homme avec un grand ‘H’ à grand renfort de gros plans sur ce qui se cache dans le string de toutes ces femmes qui sont bien évidemment incapables de lui résister ?
Fais-toi plaisir !
Une fois que tu as reçu leur ‘feux vert’, tu peux faire tout ce dont tu rêves la nuit avec les demi-sœurs câblées et les cousines streaming de la network tv !

Et sans coupure pub !

Tout ça pour dire que j’avais presque oublié ce que ça faisait de regarder une série si manifestement soumise à des formules toutes faites.
Comme souvent, le mot exact que j’aurais voulu utiliser est anglais : « formulaic » ; et après réflexion, puisque que je ne peux décemment pas utiliser ‘formulaïque’, j’ai remplacé par trois mots ! (toute l’efficacité de la langue française)
Bon, c’est bien joli d’ergoter sur la sémantique, mais finalement, de quoi parle-t-on ? Qui est donc cette titulaire ‘cleaning lady’ ?

C’est l’histoire de Thony De La Rosa, médecin philippine vivant illégalement aux Etats-Unis.
Elle crèche aux States sans permission car son fiston est gravement malade : il a besoin de soins pour sa moelle dont l’accès est aussi difficile que couteux.
Ne pouvant exercer sa profession sans permis de séjour, elle joint les deux bouts en travaillant dans une société de service de nettoyage.
Tout bascule pour elle quand, un soir, elle est témoin d’un meurtre…Sur le point d’être exécutée, elle propose de débarrasser les lieux du méfait de toute trace d’homicide.
Elle devient alors « the cleaning lady » attitrée d’un cartel de crime organisé.

Comme vous le lisez, on ne s’est clairement pas embarrassé du souci de vraisemblance sur ce coup-là…On est encore sur un des marqueurs de la ‘network tv’ : les prémices WTF… Pour ne citer qu’un exemple, à peu près tout et n’importe qui est susceptible de devenir consultant à la police (y compris le diable en personne…)
Ici, comme souvent donc, il faut déjà arriver à passer au-dessus de l’absurdité de la chose pour tenter de passer un bon moment.
Néanmoins, ce n’est pas dans mes habitudes de me montrer fine bouche et je ne vais pas commencer maintenant : Elodie Yung (‘Elektra’ dans ‘Daredevil’) fait de l’excellent travail et le pilote était plaisant à regarder, complétant une à une les étapes qui sont censées fidéliser un publique.
La gageure n’est d’ailleurs pas négligeable : ce sont 22 épisodes (en moyenne) auxquels il faut trouver une audience pendant 1h ! (publicité comprise s’entend ; un épisode de ‘network tv’, c’est entre 42 et 45 minutes ! Pas plus, pas moins !)

C’est là que les fameuses formules toutes faites interviennent (attention la tête, on va faire un peu de math) :

A
(personnage doué mais lambda à qui il arrive une choses hors du commun) + B(Ce personnage a un trauma personnel) + C(des rebondissements inattendus ne cessent de se mettre en travers du personnage…c’est généralement là qu’intervient le ‘méchant’ de l’histoire) + D(des personnages secondaires décalés et/ou attachants aident le principal) = Y (d’une manière ou d’une autre, la résolution des problèmes du personnage se déroule dans le dernier acte)

Ce qui fait :
A+B+C+D=Y
Ça, c’est pour le premier épisode.

Vous pouvez ensuite appliquer :
B(on étoffe le trauma du personnage) + C(les rebondissements) + D(les personnages secondaires font toujours une apparition) + E(les enjeux auxquels le personnage fait face augmentent graduellement jusqu’au ‘Season Finale’) = Y(excepté les rares épisodes en deux parties, on arrive invariablement à la résolution des problèmes)
Copier- coller maintenant cette formule (B+C+D+E=Y) sur autant d’épisodes qu’on vous a commandé 
(n) et ce jusqu’au dernier de l’année où vous ajoutez simplement un twist final (T) pour jeter un pont vers la saison suivante (Z)
 
Ce qui donne donc : (
B+C+D+E)n+T=Z
Et voilà pour le dernier épisode.

Facile, non ?

Allez-y réfléchissez un peu, vous avez souvent vu ces formules toutes faites appliquées dans les séries que vous regardez sur ‘RTL-TVI’ ! (ou sur ‘M6’ si vous lisez depuis la France…)
Loin de moi l’idée de dire que ces séries sont mauvaises, elles sont souvent divertissantes ; et ‘The cleaning lady’ fait sans aucun doute le job.
Cependant, il va lui falloir quelque chose en plus pour s’élever au rang des grandes séries de ‘network tv’ (ce n’est pas un secret, en ce qui me concerne,
LOST est un sommet) : un facteur X !
Ce facteur qui donne un côté imprévisible aux formules toutes faites…

Vous voyez, c’est pas compliqué la ‘network tv’ : c’est mathématique !



En vous remerciant, bonsoir !



criTiQue 0048 : entre les lignes








Salutations,


On a beau dire ce qu’on veut sur son âge, on a parfois des moments suffisamment révélateurs pour nous confronter à la vérité : on ne rajeunit pas… 
Ne voyez pour autant aucune amertume dans le poncif, comme dirait Tyler Durden : « même La Joconde tombe en morceaux ! »
Mais le fait est qu’en y réfléchissant un peu, je me suis rendu compte que j’étais déjà adolescent au moment des faits relatés dans « Pam & Tommy »
Maintenant que vous avez cette information complètement inutile, je peux y aller !
 
Les nineties donc, encore…
Il faut que je m’y habitue : les glorieuses nonante sont la « IT » décennies du moment.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, en ce qui me concerne, il ne faut plus tergiverser : on peut déclarer officiellement que les 90’s sont les nouvelles 70’s !
Pourquoi je dis ça ?
Rappelez-vous, il fut un temps, pas si lointain d’ailleurs ; le prisme thématique se concentrait plus souvent qu’à son tour sur la revisite des avancées sociétales initiées dans les années 70 ! (je sais, je devrais plutôt écrire fin 60 – début 70...ne chipotons pas, voulez-vous ?) 
Ça vous dit quelque chose ?
Non ?
Tant pis… Mais toujours est-il qu’on est clairement témoins d’un changement de paradigme : aujourd’hui, c’est sans équivoque la période qui a vu la genèse de l’ère numérique qui fait figure de marotte scénaristique.
Et après tout pourquoi pas ?
Difficile de nier que l’époque recèle des moments clés que le temps nous permet maintenant de regarder avec un recul intéressant.
De fait, alors que les années 80 semblent condamnées à être évoquées (dans le divertissement mainstream en tout cas) uniquement à travers un placement frénétique de totem culturel, la dernière décennie du siècle dernier paraît quant à elle promise à une analyse rigoureuse et approfondie… Sans oublier financièrement profitable bien sûr…
 
Bien conscient de ce potentiel, j’avais, je le confesse sans rougir, beaucoup de mal à trouver un intérêt à cette chronique dont on sait, dans les grandes lignes, comment les évènements se sont déroulés et comment ils se sont terminés.
Étant d’un naturel curieux (et Covid aidant…je n’avais que ça à faire !), j’ai tout de même décidé de voir s’il y avait quoi que ce soit d’intéressant entre les lignes !
Avant de continuer, je me dois aussi d’admettre que cette curiosité était en grande partie induite par le casting.
En effet, le choix me paraissait à la fois étonnant et intéressant tant dans le chef de Lily James que de Sébastian Stan (pour les moins fut-fut d’entre vous, respectivement Pamela Anderson et Tommy Lee) : j’avais laissé James aussi incandescente que touchante dans le rôle de Linda Radlett (« The pursuit of love » - 2021) quant à Stan, je le connaissais uniquement en Sergent Barnes (Le ‘winter soldier’/’white wolf’ du ‘Marvel Cinematic Universe’)…Autant dire que ni l’un, ni l’autre (même en admettant que c’est le propre d’un acteur/d’une actrice de disparaître derrière le personnage) ne me semblaient être une évidence dans ces rôles.
 
Bon, ceci étant dit, pas besoin de faire durer le suspense ; si j’écris cette critique, c’est parce que j’ai trouvé beaucoup de choses entre les lignes !
Car même si, de prime abord, « Pam & Tommy » a l’air d’une manière cheap d’aborder la décade ; il n’a fallu attendre que la fin de la toute première scène pour que je change d’avis en réalisant (un peu tard, il faut bien le dire, mais j’ai toujours été lent) que bien loin d’être creuse, la série est au contraire une belle opportunité d’explorer le balbutiement des errements qui gangrènent de manière toujours plus toxique le « World Wide Web » :
Invasion illégale de la vie privée, objectification pernicieuse de la femme, fascination malsaine pour le scandale, double standard sexiste entre les genres,… J’en passe et des pires.
 
Mais au-delà de cette promesse, la série a le bon goût d’élargir le cadre de son histoire pour y inclure le portrait tout en nuances de l’homme dont les actions ont ouvert la voie à l’utilisation du web dans une des fonctions qui restera la sienne pour les années à venir !
(Allez, que personne ne joue à l’innocent ! Internet, ça sert à trois choses : chercher sur Google™, aller sur les rézo sossio et mater du porno !)
Franchement, je m’attendais à beaucoup de choses en regardant « Pam & Tommy » mais pas que le premier épisode soit presque entièrement consacré à un menuisier au bout du rouleau aux prises avec un employeur tyrannique. (Bon, ok, je ne m’attendais pas non plus à voir Sebastian Stan parler avec un pénis animatronic dans l’épisode deux…mais bref !)
Sans chercher à justifier ses agissements, la série expose minutieusement les circonstances amenant ce col bleu (joué tout en retenue par Seth Rogen) à entrer en possession de la VHS la plus chaude bouillante du moment.

Cette attention particulière à fouiller ses personnages n’augure que du bon pour cette série qui, par les thèmes qu’elle promet d’explorer et à travers des interprétations impeccables, a tous les atouts pour être une des bonnes surprises de ce début d’année.



En vous remerciant, bonsoir !