criTiQue 0018 : Secoué mais pas agité




Salutations,

En s’intronisant « Correspondante musicale » de guerre, Polly Jean Harvey a définitivement prouvé (si besoin en était)  être le genre de personne qui se complait dans la difficulté : Non contente de travailler et retravailler ses paroles pendant près de deux ans (au grès de ses lectures, récits, blogs, poèmes et autres visionnages de reportages, documentaires et expositions ayant pour sujet la guerre), elle décide qu’il serait plus judicieux de les faire contraster avec une musique entrainante et enjouée, prenant un soin tout particulier dans la réflexion sur sa façon de les chanter…Résultat ?
« Let England Shake » est l’album d’une parolière, d’une artiste au sommet de son art. Pourtant, S’il est loin de manquer d’âme, ce serait mentir d’écrire qu’il est chaleureux…
Quoi de plus normal me direz-vous, après tout, avec un tel sujet (la guerre, donc) difficile de verser dans l’euphorie…Ce que je veux dire, c’est que PJ a bel et bien réussi à nous livrer un album d’une qualité largement supérieure à la moyenne, manifestement d’une grande importance émotionnelle pour elle mais que malheureusement, en chemin, Polly a oublié que, idéalement, nous devions, nous aussi, nous sentir investis émotionnellement en l’écoutant.

Attention, loin de moi l’idée de dénigrer, un tant soit peu, l’achèvement de Miss Harvey : C’est un véritable tour de force qu’elle a réussi avec son huitième LP…Sortir un disque aussi complexe en l’habillant de manière aussi légère…Chapeau bas !
Pour autant, je n’irais pas jusqu’à dire que « Let England Shake » est « Pop » ou même « radio friendly » (ou, comme je devrais dire en bon français : « radiomical ») mais, en tout cas, il est plus facile à écouter que le sujet dont il traite (et la manière dont il est traité) pourraient le laisser croire.
Néanmoins, (pour en revenir au manque de chaleur évoqué plus haut) partir des paroles (et non pas de la musique) a donc poussé Polly à travailler à l’extrême la manière de les interpréter et le manque de spontanéité (presque d’humanité ai-je envie de dire) du résultat est flagrant, tout particulièrement en « live » (j’étais parmi les quelques chanceux présents au « Cirque Royal » ce 18 février)
Je trouve cela particulièrement dommageable car la grande qualité de « PJ Harvey » a (pour moi) toujours été la transmission, à fleur de peau, d’émotion subtilement violente, qu’elle soit primaire ou affective... (à ce propos, la voir faire « Pig will not » (en 2009…déjà) reste une des expériences les plus bizarrement intenses de ma vie) Son œuvre a toujours été bien au-delà de la musique, elle doit être (toujours selon moi) appréhendée comme un scénario attendant d’être mis en image. Scénario que Polly nous invite à tourner, à filmer dans notre tête en écoutant ses albums et, dans le cas de son dernier effort studio, je n’ai jamais vraiment pu me défaire de l’impression qu’elle avait déjà fait le plus gros de cette mise en scène par le travail énorme effectué en amont sur les paroles.

Bien sûr, « Let England Shake » ne fait absolument pas tache sur la discographie de la belle Anglaise (oui, chère et tendre dulcinée, Polly est belle !) mais, plus que jamais, je ne suis pas certain que privilégier l’excellence musicale au détriment de l’émotion soit recommandable…

En vous remerciant, bonsoir !

lluBiE 0004 : On ira (pas) tous au paradis…

 

The-White-Stripes-ph01

Salutations,

C’est donc officiel, Jack et Meg white ont décidé d’entériner la mort Clinique des “White Stripes” (c’était déjà en 2007) : Entre leur unique apparition « live » et leurs vagues insinuations de « remise au travail », la « fratrie » n’avait, de toute façon, pas laissé beaucoup d’espoir à leurs fans…

La question mérite d’être posée : Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

La douce-amère réponse est : c’est une bonne nouvelle…

Je vais même aller plus loin : idéalement, ils auraient déjà dû « splitter » après avoir sorti « Get Behind Me Satan » (2005) qui représente, selon moi, le pinacle de ce que les « White Stripes » avaient à nous offrir artistiquement (ne vous méprenez pas, j’ai adoré « Icky Thumb » (2007) mais, pour rester gentil, cet album avait déjà des allures de « best of » : voici ce qu’on fait de mieux)

Je m’explique : La fascination de Jacko pour le chiffre 3 est (quasiment) légendaire et, pour ceux qui l’ignorent, il s’est, par extension, toujours imposé de ne jamais le dépasser en matière du nombre « d’instruments » (donc : batterie, guitare, chant). Ce précepte est arrivé à ébullition avec « White Blood Cell » (2001) qui constitue (pour sa part) le sommet que cette restriction pouvait restituer en matière de son « White-Stripien » (c'est-à-dire une sorte d’enfant bâtard entre le « Punk » et le « Blues ») qui, de manière argumentable, a été réchauffé pour « Elephant » (2003)…Non, ne me lynchez pas, je sais que je vais (un peu) loin en écrivant cela mais ce qui est dit est dit : « Elephant » a beau avoir accouché de « Seven Nation Army » (entre autres bombes), il reste tout de même un cran en dessous de son prédécesseur car, au final, il ne fait que remettre, un peu inutilement, les plats en présentant une recette arrivée à maturation après seulement deux essais (« The White Stripes » en 2000 et « De Stijl » en 2000).

Dans mon fort intérieur, je suis convaincu que Jack a dû se sentir libéré quand il a eu l’idée d’utiliser le marimba, piano et autre mandoline…Non seulement il a réussi à maintenir son concept (jamais plus de 3 instruments ne sont utilisés) mais, en plus, il est arrivé à livrer un album qui, tout en étoffant sa gamme de sonorité, gardait la spontanéité qui caractérise le groupe (réaffirmant, par la même occasion, en utilisant, par exemple, un marimba pour faire « pogoter » les masses que le « Rock » c’était, aussi, un état d’esprit et pas bêtement faire « cracher » sa guitare). Cette sensation d’urgence, cette immédiateté était, par-dessus tout, ce qui mettait la « fratrie » à part…Bien sûr rien n’était parfait chez eux mais au moins tout était « vrai »…

Ce qui m’amène à me poser la deuxième question (qui mérite d’être posée) : A la lumière de ce qui avait été proposé avec « Icky Thumb » (qui, je le répète, était bon mais un tantinet éculé), est-ce que les « WS » avaient encore quelque chose de « vrai » à nous offrir ?

Un début de réponse nous avait été offert par « the man » lui-même en Avril 2010 dans une interview où il déclarait qu’il serait : « étrange de retourner vers les ‘stripes’…Je devrais sans doute repartir sur une autre base… »

En traduisant, soit ils prenaient une autre direction, soit ils sortaient un disque insipide…Le problème étant que les « WS » ont toujours eu un son unique et une identité bien marquée (et ce dès le début avec un « The White Stripes » (l’album) sorti de nulle part, d’une honnêteté presque brutale et d’une puissance, pour moi, jamais égalée par la suite) et leur enlever cela revenait à leur enlever leur âme…Il a fallu 9 mois à Jack et Meg pour arriver à la même conclusion, déclarant sur leur site qu’il voulait : « Préserver ce qu’il y avait de beau et de spécial dans le groupe », ils se séparent donc…

La volonté de ne pas souiller ce qui avait fait de ce groupe plus qu’un « groupe de plus » et de rester à jamais « THE White Stripes » a été la plus forte… »Mieux vaut s’embraser, que brûler à petit feu » (comme disait l’autre)

Même si je n’ai aucun doute sur le fait que des « inédits » vont commencer à sortir sous peu, ce constat est donc courageusement appliqué par le couple (maintenant que c’est fini, ne jouons plus avec les faux-semblants) de Detroit mais laisse un gouffre énorme dans le paysage du « Rock ».

Loin de moi l’idée de me lancer dans un énième « Rock is Dead » mais je trouve tout de même l’interrogation pertinente : Qui est capable aujourd’hui de sortir un album de la qualité, de la brutalité, de la folie et de la candeur qui caractérisaient ceux des « WS » ? (ma question ne s’applique, évidemment, qu’à la scène « mainstream »)

…Je ne peux que constater que la réponse n’est pas si évidente que cela et au risque de passer pour un sentimental ou d’être mélodramatique, je pense sincèrement que nous (les amateurs de musique) sommes maintenant orphelins d’un « son » et d’une attitude que l’on ne retrouvera pas de sitôt (la recherche constante de la sincérité, même au détriment de la perfection).

C’est peut-être niai de ma part mais, à cette époque où les modes défilent à la vitesse du wifi, nous forçant sans cesse à avaler quelque chose de nouveau alors que l’on n’a pas fini de mâcher l’ancien… Il est quelques fois bon de stopper « la machine » de Mr Hollywood pour consacrer, adouber ce que l’on trouve important ; pour penser à ce que nous voulons passer aux générations futures et, pour ma part, les « WS » en font partie.

Dans leur message, Jack et Meg nous assurent que le groupe et leur musique nous appartiennent maintenant et je crois que ce qu’il faut faire en premier, c’est la transmettre. S’arrêter un temps suffisant avant de, déjà, passer à autre chose pour s’assurer qu’elle reste pour toujours à sa place : Au panthéon du Rock…

En vous remerciant, bonsoir !

criTiQue 0017 : Même pas peur !

 

The Walking Dead 3

Salutations,

Est-il seulement possible de raconter une histoire ayant attrait aux "Zombies" sans tomber dans certains clichés ?
Je me posais la question avant de regarder "The walking dead" et, à vrai dire, je me la pose toujours...
C'est, sans doute, inérhent à la nature même des créatures en question, mais les enjeux sont (presque) toujours les mêmes :
Ne pas se faire mordre, réussir à garder son humanité quand on se retrouve obligé de défoncer le crâne de parfaits inconnus (ben oui, c'est encore et toujours le seul moyen de les re-tuer) et, bien sûr, le déchirement de devoir faire un choix quand un proche est sur le point de passer dans "l'autre camp" (car,oui, un de vos proches se fait toujours mordre).

Voilà qui est dit: "The walking dead" n'est, de ce point de vue-là, pas différent (ni mieux, ni moins bien) que n'importe quel autre média sur nos amis "nés-morts-renés".
Pourquoi vous en parler alors ?
Parce que la série (tirée d'un "comic book" du même nom) n'a pas la prétention ou la vocation de faire peur. Ce qui nous est proposé, c'est l'histoire d'une famille, d'un couple en déliquescence qui est séparé par des circonstances "extraordinaires" (l'arrivée des "zombies").
Le héros de l'histoire, Rick Grimes, est bléssé par balle et tombe dans le coma avant l'immigration (apparement massive) dans sa ville de nos sympathiques cannibales d'outre-tombe. A son reveil, il se retrouve seul, dans un environement qu'il reconnaît comme le sien mais qui est pourtant beaucoup plus mal fréquenté qu'avant...qu'importe, il n'a qu'une et une seule idée en tête : retrouver sa famille.

C'est cette quête qui remplit les premiers épisodes, ici, point d'enquête sur les causes de cette parade mortuaire qui a commencé pendant qu'il était dans les vapes, pas d'investigation sur un éventuel "vaccin" ou toutes autres solutions possibles à ses nouveaux problèmes de voisinage...Juste la recherche des êtres chers. La survie et ce qu'elle implique n'est qu'un "à coté", elle reste au second plan et c'est très bien comme cela !
Car le gros avantage de cette focalisation est de laisser la peur trouver son propre chemin : Comme la volonté d'effrayer n'est pas le moteur de l'intrigue, les ficelles deviennent presque invisibles,  laissant une chance au spectateur de s'immerger dans une histoire qui, du coup, paraît réaliste (ou, du moins, plus réaliste), une histoire où l'on en arrive parfois à oublier le danger posé par ces ersatzs de vivants... mais cette menace se rappelle à notre bon souvenir de temps à autre et c'est alors une peur écoeurante et brutale (car inattendue) qui vous prend aux tripes.Mais ce choix narratif a aussi un gros inconvénient : cette première saison ne s'étale que sur six épisodes et pour arriver à boucler

l'intrigue d'une manière judicieuse (et plaisante) tout en jetant un pont vers la deuxième saison (qui, c'est officiel, suivra) il fallait donner au récit un rythme nerveux et précis sans oublier de ménager la place nécessaire au developpement des personnages. Malheureureusement, la reussite n'est pas complètement au rendez-vous : L'évolution des protagonistes et la résolution de leurs conflits (internes ou externes) n'est pas aussi fluide (pour ne pas dire dire parfois laissée de côté) qu'elle aurait pu l'être avec un delai supplémentaire .

Pour autant, ces tentatives de donner de la profondeur aux personnages sont parfaitement visibles et, au vu du temps disponible, tout à fait honorables. Ce petit bémol n'a, en rien (ou à peine), diminué mon impression initiale sur la qualité de la série : L'ensemble reste de (très) bonne facture...parole de "dort-vivant"*


En vous remerciant, bonsoir !

 

 


(*sorte de cousin éloigné des "morts-vivants")

criTiQue 0016 : Rêve ta vie en chanson...

 

9824-cryptogramsSalutations,

c'est, en filigrane, ce que je dis ici (entrée du 17/08/2010) : La minutie que certains critiques et certains groupes se forcent à respecter quand il s'agit de faire un choix, parmi la variété incroyable de possibilités, quant à la classification de leur musique ne manque jamais de me faire sourire...

c'est sûr qu'entre Grindcore, Powerviolence, Crust Punk, Post Hardcore, Math Rock, Noise Rock, Shoegaze, Indie Rock, Garage Punk, Power Pop, Riot grrrl, Twee Pop, Grindie, Post Punk Revival, Noise Pop, Dance Punk, New Weird America, Baroque Pop, Lo-Fi, Sadcore, Chillwave, Inditronica, Digital Hardcore, Kinderwhore, Psychedelic Pop, Art Rock et autre Sundhine Pop (j'en passe enormément..et des meilleurs), il faut bien convenir qu'on a l'embarras du choix !

Enfin bon, je m'égare...Tout cela pour dire que, malgré cette abondance insondée de possibilités, j'en suis quand même venu à me demander si "Deerhunter" (le groupe) n'avait pas carrément triché en inventant le terme "Dream Pop" pour pouvoir l'estampiller sur son dernier LP (Franchement, personne ne s'en serait jamais rendu compte...)
Car, effectivement, en écoutant "Halcyon Digest" on a un peu l'impression d'être perdu dans un rêve, chaque plage est comme un tableau où l'on se perd en contemplation. C'est un album qui s'écoute les yeux fermés, pas parce qu'il est triste ou déprimant mais plutôt parce qu'il est envoutant et initiatique.

"Halcyon digest" ou "Les chroniques du paradis" parle de "La manière dont nous inventons ou réinventons nos souvenirs pour qu'ils deviennent un résumé de ce dont nous voulons nous souvenir (et de la tristesse de ce procédé)" (Dixit le chanteur/guitariste).
Cela nous donne un album aérien et harmonieux entre ambiance feutrée et élan enjoué qui, pour prendre le contre-pied de cette frénésie du classement, peut tout simplement être qualifié de...bonne musique (au final, est-il vraiment nécessaire d'en dire plus ?)

 

En vous remerciant, bonsoir !