criTiQue 0045 : la messe est dite

 





Salutations,


Les raisons sont souvent un peu prosaïques, mais Il y a des gens comme ça qui vous énervent.
Prenez Mike Flanagan.
Perso, un type qui a assez de temps, d’inspiration et de talent pour écrire, réaliser, produire et éditer 3 séries en 3 ans (+ 2 films) ; je sais pas pour vous, mais pour moi qui ai à peine le temps de maintenir un blog, ça me prend carrément à rebrousse-poil !
 
Maintenant que j’ai terminé de vous forcer à être témoin de mon courroux somme toute injustifié, nous pouvons commencer :
 
Je disais donc que notre homme revient chaque année... Un peu comme le Beaujolais... Et son cru 2021 se nomme « Midnight mass ».
Et comme la vinasse que tout le monde aime détester (ou que tout le monde déteste aimer, c’est selon) on retrouve souvent les mêmes associations dans les créations de Mr Flanagan : une maison ‘hantée’, une famille avec des démons (souvent littéralement) et tout un tas de ‘jump scares’.
Comme de juste, la famille avec ses démons (j’ignore à ce moment si je dois l’utiliser littéralement) est encore de la partie cette année, néanmoins, c’est carrément tout un village qui semble être ‘hanté’ !
Bon, autant arrêter les frais : je ne vais pas pouvoir garder cette atmosphère de dédain plus longtemps...
La raison ? Ça ne serait tout simplement pas chrétien de ma part (et ceux qui me connaisse savent à quel point je m’efforce de refléter les valeurs de la chrétienté) de ne pas rendre justice au travail du showrunner qui a réussi ce que peu réussissent : trouver un équilibre parfait entre l’intime et l’épouvante.
Pour être tout à fait de bon compte, Flanagan essaie toujours de le faire, mais son succès est ici, à mon sens, total.
Comment a-t-il réussi ce miracle ?
C’est simple : il laisse ses personnages vivre leur vie !
Et là, vous vous dites certainement : « cette fois, c’est sûr, il a craqué son slip ! »
Laissez-moi vous rassurer, mon slip va bien ! 
Ce que je veux dire par là, c’est qu’on n’a, à aucun moment, l’impression que notre scénariste/réalisateur/éditeur/producteur (ou ‘SREP’) suit un cahier des charges.
Vous l’aurez remarqué (ou pas), c’est une expression que j’utilise quelques fois parce que je la trouve particulièrement adéquate pour une série : une histoire que doit se distiller dans un nombre donné d’étapes... Il faut vraiment avoir un plan à la ‘Hannibal Smith’ pour que ça marche ! MAIS (parce qu’il y a bien sûr un ‘mais’) la vraie magie, c’est quand on ne voit pas le truc, c’est quand les fils sont invisibles ; autrement dit, quand on ne voit pas trop facilement où les scénaristes cherchent à nous emmener scène après scène.
Voilà ce que le ‘SREP’ nous offre : un tour de magie, ni plus ni moins, Jean-Pierre !
Je sens que c’est toujours pas clair pour vous alors je vais arrêter mes âneries 3 minutes pour vous expliquer clairement.
Au lieu de sans cesse placer ses personnages en position pour recevoir leur dose de frayeur dans une surenchère vide d’émotions, le ‘SREP’ nous propose d’abord et avant tout l’exploration d’une petite communauté (127 habitants) vivant sur une petite île et en particulier d’une famille, les Flynn.
La série s’ouvre alors que l’ainé, Riley, provoque un accident en état d’ébriété. Il est condamné à 4 ans de prison et n’a d’autre choix en sortant que de revenir sur l’île où vivent encore son père pêcheur, sa mère et son jeune frère.
Vous n’allez quand même pas venir me dire que tout ça à l’air terrifiant !?
Non, et vous aurez raison !
 
Noah Hawley, le génial créateur de ‘Legion’, l’expliquait de manière limpide en parlant de la série qu’il est en train d’écrire avec, pour cadre, les ‘Alien’ de Ridley Scott :
« Enlevons l’alien de la série. De quoi parle la série ? Quels sont les thèmes, qui sont les personnages et quelle est l’aventure humaine ? Ensuite, on ramène les extraterrestres et on se dit : ‘C’est génial. Non seulement, il y a un grand drame humain, mais il y a aussi des extraterrestres !’ »

Flanagan s’est donc posé la bonne question : si on enlève l’horreur d’une histoire d’horreur...Que reste-t-il ?
Et en réponse, il a élaboré une narration qui se dessine à travers les pathos familiaux et relationnels d’un bled où tout le monde connaît tout le monde pour mieux y introduire un mystérieux prêtre dont l’arrivée (et les phénomènes inexplicables qui suivent) bouleverse la vie de cette communauté dévote.
Servie dans cet écrin, l’épouvante prend un relief particulier ; elle se met au service d’une histoire où la surprise vient des émotions qui sont distillées au détour de scènes qui paraissent d’abord banales avant de se révéler d’une délicatesse aussi subtile que bouleversante.
Un peu à la manière dont le faisait Damon Lindelof dans ‘Leftovers’ (qui, coïncidence, baignait également dans un climat religieux), et comme je le disais lourdement un peu plus haut, le ‘SREP’ semble se contenter de laisser ses personnages respirer, leur autorisant ainsi des moments d’épiphanie presque écrasant de justesse... Mais l’angoisse n’est pourtant jamais loin, elle monte lentement dans un crescendo destiné à se terminer en apothéose...
 
Particulièrement pour cette série, je ne vais pas déroger à ma coutume et parler un peu du cast :
Flanagan rassemble certains de ses habitués et ils sont admirablement bien utilisés ! 
Kate Siegel (son épouse dans le civil) est bien entendu présente et compose un personnage qui, comme d’habitude, est tout en nuances ; alors que Henry Thomas (éternel ‘Elliot’ dans ‘ET’) est tout simplement méconnaissable en père désabusé par l’homicide involontaire commis par son fils.
Les fans de la dernière heure de ‘X-Files’ reconnaitront également Annabeth Gish tandis que ceux de ‘Battlestar Galactica’ pourront se réjouir de retrouver Michael Trucco dans le rôle du maire affable de cette petite ville.
Je pourrais en citer d’autres tant le casting fait un job impeccable (notamment Rahul Kohli et Samantha Sloyan...sans oublier la délicieuse Carla Gugino) mais je vais me concentrer sur les deux ‘MVP’ de la série :
Zach Gilford tout d’abord, particulièrement touchant dans le rôle du paria de retour de prison et Hamish Linklater (déjà excellent dans la série susmentionnée ‘Legion’) tout simplement magnétique dans le rôle d’un prêtre mystique.
 
Décidément, cette fin 2021 me réserve de bien belles surprises et c’est donc de ma quatrième série coup de cœur de cette automne de critique que je viens de vous parler !(les autres étant, je le rappelle: 'Heels', 'Brand new cherry flavor' et 'The wheel of time'
Un équilibre parfait entre émotion et mystère servi par des acteurs impeccables...N’en jetez plus, la messe est dite !


En vous remerciant, bonsoir !

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