criTiQue 0043 : une famille en or

 


Pré scriptum : je l’ai dit et je le redis : on est entre personnes civilisées dans mon salon ! Il convient donc de se plier aux convenances et de lancer la désormais consacrée ‘SPOILER ALERT’ !




Salutations,

 

 


Nous avons tous déjà vécu ce repas de famille où, tout à coup, quelqu’un lâche LE sujet qui fâche, vous savez, ce moment où, par exemple, la copine influenceuse de ton cousin youtuber se lance dans sa tirade antivax ? Plus de retour en arrière après ça : certains prennent parti, d’autres laissent passer l’orage ; mais l’ambiance n’en reste pas moins durablement plombée.
En repensant à ces moments traumatisants, vous vous demandez probablement ce qui se passerait si, un jour, une famille où les membres ont tous des superpouvoirs devait se déchirer sur un sujet épineux ?
Eh bien vous pouvez arrêter de vous le demander, car non seulement Marvel a la réponse ; mais en plus, ils en ont fait un film de 2h37 qui s’appelle « Les éternels » !
 
Bon, il faut en convenir, alors que ta famille et toi vous n’êtes pas capables de vous mettre d’accord sur le port du masque, les ‘éternels’, eux, ils ont des sujets un chouïa plus technique à débattre : ça cause quand même survie de l’espèce humaine à la table des demi-dieux !
 
Mais redevenons sérieux, l’air de rien, il s’agit d’un débat important !
 
En effet, Disney introduit ici dans son ‘Marvel Cinematic Universe’ (‘MCU’ pour les intimes) une production plus atypique qu’il n’y parait :
Premièrement, vous l’aurez remarquez, je me suis bien gardé de dire qu’il s’agissait d’une histoire de super-héros !
Car si ‘les éternels’ ont bien des superpouvoirs, ils sont très loin d’être des super-héros…En fait, ils ne sont même pas des héros ! 
Quoi ? Un film Marvel sans (super)héros ???
Oui Madame !
Ce groupe de BG sont les émissaires d’un ‘céleste’ (à qui, puisque qu’il est le créateur de la lumière et de la vie, on va attribuer le titre bien classe de ‘dieu’)
Mais pourquoi ce dieu créateur nous envoie-t-il des émissaires ?
Pour nous sauver ? BIIIIIP ! Nope ! Essayez encore !
Pour nous livrer la bonne parole de ‘dieu’ ? BIIIIP ! Encore raté !
Allez, puisque vous séchez, je vous file la réponse : nos demi-dieux arrivent sur terre pour nous guider gentiment vers le Progrès (avec un grand ‘P’) tout ça en nous évitant de nous faire dévorer par une autre race de demi-dieux ! (moins stylée, certes, mais divine quand même)
Ils ne reçoivent qu’une et une seule consigne d’Arishem (le dieu susmentionné) : ne pas intervenir en faveur de l’espèce humaine ! Et ce, quelle que soit la menace… A part s’il s’agit de ‘Déviants’ ! (l’autre race de demi-dieux)
Comme je le disais, ce n’est pas très héroïque de nous laisser comme ça nous dépatouiller avec tous nos problèmes alors qu’ils pourraient tout régler en 2-2 ! Mais bon, les disciples d’Arishem sont des bons croyants à l’obéissance sans faille et, franchement, ce serait limite de chicaner alors qu’ils sont déjà clairement sur de la bonne grosse mission : ça leur prend carrément 6500 ans avant qu’ils décrètent qu’ils ont fait le taf ! On ne peut pas leur enlever ; ils ont le goût de la chose bien faite !
 
Et après ? Bin… ils décident de vivre chacun leur petite vie jusqu’à ce qu’Arishem siffle après eux pour qu’ils reviennent à la niche : certains décident de s’isoler pendant que d’autres se mêlent aux humains.
Et c’est là que tout dérape…
Car quand, 500 ans plus tard, tout ce beau monde se retrouve ; plus personne n’est vraiment sur la même longueur d’onde ! Ce qui est tout de même embêtant vu qu’ils se retrouvent parce que ‘l’émergence’ est sur le point de se produire.
...’l’émergence’...qu’est-ce que ça peut bien être ?
(Il faut le lire avec la voix de Gérard Darmon)
Pour faire court, une ‘émergence’, c’est quand un ‘céleste’ se crée à partir de l’énergie d’une planète...et ne me demandez pas pourquoi (je ne me souviens plus) mais cette énergie ne peut être générée si et seulement si la dite planète est bien achalandée en habitant...
Patatras ! Nos demi-dieux découvrent donc qu’ils sont en fait le niveau ultime de l’agriculteur et qu’ils ont passé 7000 ans à nous faire pousser pour nous donner en pâture à un gros bestiau (un nouveau ‘céleste’ donc) pour que celui-ci puisse créer d’innombrables nouveaux mondes...
Voilà donc nos agriculteurs divins obligés d’avoir, comme toutes les familles, une conversation sur un sujet épineux !
Alors, je vous rassure, au fond du fond, leur sujet épineux est aussi vain et creux que les nôtres : A-t-on le droit de sacrifier des milliards de vies pour que des quintillions d’autres puissent émerger ?
Vous le comprendrez donc, ce n’est pas tant le débat en lui-même qui est intéressant : ce qui m’a interpellé, c’est que ce colloque aux possibles conséquences génocidaires se passe sans que l’on ne tombe jamais réellement dans la dichotomie : ‘Good vs Evil’ .
Au pire, on pourrait taxer certains de dévots et d’autres de stupides, mais si des atrocités sont bel et bien commises ; elles ne le sont pas par illusion de grandeur ou par trahison d’un idéal : car dominer ou sauver des vies (les nôtres en l’occurrence) ne fait purement et simplement pas résonner quoi que ce soit en eux.
C’est une sensation tout à fait particulière de regarder ce Marvel aux protagonistes quasi divins qui tergiversent à faire ce qu’on attend d’eux (nous sauver) et qui nous le présente de manière à nous faire dire que personne n’a foncièrement tord dans cette histoire où ils pourraient tout à fait nous laisser mourir. 
Si le ‘MCU’ devient nihiliste, alors je ne réponds plus de rien !
 
Toutefois, vous pouvez être rassurés, les 500 années passées parmi les humains ont tout de même éveillé chez certains de ces ‘éternels’ un amour et une admiration inconditionnels pour l’humanité et cette affection les pousse à renoncer à leur dévotion pour Arishem...Il fallait bien qu’on retombe à un moment ou un autre dans le cousu fil blanc ; et, malheureusement, il n’y a rien de très bon à dire de ce côté : entre inconsistance et redondance, le film est au mieux maladroit, au pire ennuyeux...
Maladroit, parce qu’au bout des 157 minutes, on n’a pas le sentiment d’être arrivé quelque part avec cette histoire ; ni à sa fin, ni au commencement d’une autre...On reste juste avec une impression d’inachevé.
Et, au final, ennuyeux car le film, pour toutes ses ambitions, oublie d’être surtout et avant tout un divertissement ; alors qu’il fait partie intégrante d’une saga qui se définit sans conteste comme telle.
 
L’idée de porter à l’écran ces demi-dieux devenus légendes vivantes de nos mythologies pour en faire des possibles spectateurs de notre trépas était réellement ambitieuse et Chloé Zhao (je m’en serais voulu de ne pas le mentionner) nous livre des images absolument sublimes, mais cela ne suffit pas à donner à ce 26ème chapitre du ‘MCU’ le souffle épique dont il avait besoin pour s’élever au-dessus de la mêlée.

 


 

En vous remerciant, bonsoir !

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