Salutations,
Une fois n’est pas coutume, on va commencer cette critique pour une petite expérience mentale.
Ne vous inquiétez pas, ça ne fera pas mal !
Prêt ?
Alors voilà, il faut vous imaginer en train de vous promener…Il fait beau, tout va bien, quand, tout à coup, vous tombez sur une ancienne connaissance…
Au départ, vous êtes content, vous êtes en mode ‘Patrick Bruel’ : « T’as pas changé ! Qu’est-ce que tu deviens ? Tu t’es marié, t’as trois gamins ! »
Nostalgie, quand tu nous tiens…
Pourtant plus la conversation traine en longueur, plus vous avez du mal à vous rappeler comment vous avez pu trainer si longtemps avec cette personne…
Vous ne savez pas très bien si c’est vous ou votre interlocuteur qui a changé, mais peu vous importe, vous n’avez plus qu’une idée en tête : il faut que cette conversation gênante se termine le plus vite possible !
Si ça vous est déjà arrivé, ou si vous avez l’imagination assez agile pour vous mettre en situation ; alors vous comprendrez sans problème ce que j’ai ressenti en regardant ‘The cleaning lady’ !
« Aaah cette bonne vieille ‘network’ tv !
Comme cela faisait longtemps que je t’avais regardée ! De te revoir, là comme ça, ça me rappelle le bon vieux temps… »
Ça, c’est ce que je me suis dit au début de l’épisode…
Et si vous avez bien réalisé l’expérience mentale, vous comprendrez comment je me sentais à la fin…
Là, vous me dites: « c’est bien beau ton histoire, mais c’est quoi la ‘network tv’ ??? »
Votre question est légitime et je m’en vais donc vous expliquer :
Si je voulais grossir le trait, je dirais que ce sont les séries tv produites par les pendants américains de ‘TF1’, ‘France 2’, ‘La Une’ et consort.
Et qu’elle est la différence avec les autres ? Avec leurs demi-sœurs produites par les chaines câblées (les pendants américains de ‘Canal +’, par exemple, ‘HBO’, Showtime ou ‘Starz’) ou leurs cousines streaming (‘Netflix’, ‘Prime’ ou ‘Apple TV+’) ?
Là encore, si je voulais schématiser, je répondrais un peu platement : la liberté !
Mais de quelle liberté tu parles ?
De la liberté de faire ce que tu veux, Jean-Pierre !
Tu veux faire un épisode de 1h12 suivi d’un épisode de 53 minutes ?
Pas de problème !
Tu veux que ton personnage puisse fumer comme un pompier ?
Si ça te chante !
Tu veux montrer que ton héros est un homme avec un grand ‘H’ à grand renfort de gros plans sur ce qui se cache dans le string de toutes ces femmes qui sont bien évidemment incapables de lui résister ?
Fais-toi plaisir !
Une fois que tu as reçu leur ‘feux vert’, tu peux faire tout ce dont tu rêves la nuit avec les demi-sœurs câblées et les cousines streaming de la network tv !
Et sans coupure pub !
Tout ça pour dire que j’avais presque oublié ce que ça faisait de regarder une série si manifestement soumise à des formules toutes faites.
Comme souvent, le mot exact que j’aurais voulu utiliser est anglais : « formulaic » ; et après réflexion, puisque que je ne peux décemment pas utiliser ‘formulaïque’, j’ai remplacé par trois mots ! (toute l’efficacité de la langue française)
Bon, c’est bien joli d’ergoter sur la sémantique, mais finalement, de quoi parle-t-on ? Qui est donc cette titulaire ‘cleaning lady’ ?
C’est l’histoire de Thony De La Rosa, médecin philippine vivant illégalement aux Etats-Unis.
Elle crèche aux States sans permission car son fiston est gravement malade : il a besoin de soins pour sa moelle dont l’accès est aussi difficile que couteux.
Ne pouvant exercer sa profession sans permis de séjour, elle joint les deux bouts en travaillant dans une société de service de nettoyage.
Tout bascule pour elle quand, un soir, elle est témoin d’un meurtre…Sur le point d’être exécutée, elle propose de débarrasser les lieux du méfait de toute trace d’homicide.
Elle devient alors « the cleaning lady » attitrée d’un cartel de crime organisé.
Comme vous le lisez, on ne s’est clairement pas embarrassé du souci de vraisemblance sur ce coup-là…On est encore sur un des marqueurs de la ‘network tv’ : les prémices WTF… Pour ne citer qu’un exemple, à peu près tout et n’importe qui est susceptible de devenir consultant à la police (y compris le diable en personne…)
Ici, comme souvent donc, il faut déjà arriver à passer au-dessus de l’absurdité de la chose pour tenter de passer un bon moment.
Néanmoins, ce n’est pas dans mes habitudes de me montrer fine bouche et je ne vais pas commencer maintenant : Elodie Yung (‘Elektra’ dans ‘Daredevil’) fait de l’excellent travail et le pilote était plaisant à regarder, complétant une à une les étapes qui sont censées fidéliser un publique.
La gageure n’est d’ailleurs pas négligeable : ce sont 22 épisodes (en moyenne) auxquels il faut trouver une audience pendant 1h ! (publicité comprise s’entend ; un épisode de ‘network tv’, c’est entre 42 et 45 minutes ! Pas plus, pas moins !)
C’est là que les fameuses formules toutes faites interviennent (attention la tête, on va faire un peu de math) :
A(personnage doué mais lambda à qui il arrive une choses hors du commun) + B(Ce personnage a un trauma personnel) + C(des rebondissements inattendus ne cessent de se mettre en travers du personnage…c’est généralement là qu’intervient le ‘méchant’ de l’histoire) + D(des personnages secondaires décalés et/ou attachants aident le principal) = Y (d’une manière ou d’une autre, la résolution des problèmes du personnage se déroule dans le dernier acte)
Ce qui fait : A+B+C+D=Y
Ça, c’est pour le premier épisode.
Vous pouvez ensuite appliquer :
B(on étoffe le trauma du personnage) + C(les rebondissements) + D(les personnages secondaires font toujours une apparition) + E(les enjeux auxquels le personnage fait face augmentent graduellement jusqu’au ‘Season Finale’) = Y(excepté les rares épisodes en deux parties, on arrive invariablement à la résolution des problèmes)
Copier- coller maintenant cette formule (B+C+D+E=Y) sur autant d’épisodes qu’on vous a commandé (n) et ce jusqu’au dernier de l’année où vous ajoutez simplement un twist final (T) pour jeter un pont vers la saison suivante (Z)
Ce qui donne donc : (B+C+D+E)n+T=Z
Et voilà pour le dernier épisode.
Facile, non ?
Allez-y réfléchissez un peu, vous avez souvent vu ces formules toutes faites appliquées dans les séries que vous regardez sur ‘RTL-TVI’ ! (ou sur ‘M6’ si vous lisez depuis la France…)
Loin de moi l’idée de dire que ces séries sont mauvaises, elles sont souvent divertissantes ; et ‘The cleaning lady’ fait sans aucun doute le job.
Cependant, il va lui falloir quelque chose en plus pour s’élever au rang des grandes séries de ‘network tv’ (ce n’est pas un secret, en ce qui me concerne, ‘LOST’ est un sommet) : un facteur X !
Ce facteur qui donne un côté imprévisible aux formules toutes faites…
Vous voyez, c’est pas compliqué la ‘network tv’ : c’est mathématique !
En vous remerciant, bonsoir !
Vous voyez, c’est pas compliqué la ‘network tv’ : c’est mathématique !
En vous remerciant, bonsoir !
2 commentaires:
Bien vu, et bien formulé. Pas mal. J'ai bien aimé.
À moins que ça soit nul et que comme j'ai aimé je sois nul moi aussi finalement.
Qu'est-ce que je pourrais bien préférer... ?
J'ai le choix ?
Mais bien évidemment Jean-Pierre! C’est sans doute le plus grand cadeau qu’on ait : si tant est qu’on soit prêt à accepter les conséquences, on a toujours le choix
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