Salutations,
En s’intronisant « Correspondante musicale » de guerre, Polly Jean Harvey a définitivement prouvé (si besoin en était) être le genre de personne qui se complait dans la difficulté : Non contente de travailler et retravailler ses paroles pendant près de deux ans (au grès de ses lectures, récits, blogs, poèmes et autres visionnages de reportages, documentaires et expositions ayant pour sujet la guerre), elle décide qu’il serait plus judicieux de les faire contraster avec une musique entrainante et enjouée, prenant un soin tout particulier dans la réflexion sur sa façon de les chanter…Résultat ?
« Let England Shake » est l’album d’une parolière, d’une artiste au sommet de son art. Pourtant, S’il est loin de manquer d’âme, ce serait mentir d’écrire qu’il est chaleureux…
Quoi de plus normal me direz-vous, après tout, avec un tel sujet (la guerre, donc) difficile de verser dans l’euphorie…Ce que je veux dire, c’est que PJ a bel et bien réussi à nous livrer un album d’une qualité largement supérieure à la moyenne, manifestement d’une grande importance émotionnelle pour elle mais que malheureusement, en chemin, Polly a oublié que, idéalement, nous devions, nous aussi, nous sentir investis émotionnellement en l’écoutant.
Attention, loin de moi l’idée de dénigrer, un tant soit peu, l’achèvement de Miss Harvey : C’est un véritable tour de force qu’elle a réussi avec son huitième LP…Sortir un disque aussi complexe en l’habillant de manière aussi légère…Chapeau bas !
Pour autant, je n’irais pas jusqu’à dire que « Let England Shake » est « Pop » ou même « radio friendly » (ou, comme je devrais dire en bon français : « radiomical ») mais, en tout cas, il est plus facile à écouter que le sujet dont il traite (et la manière dont il est traité) pourraient le laisser croire.
Néanmoins, (pour en revenir au manque de chaleur évoqué plus haut) partir des paroles (et non pas de la musique) a donc poussé Polly à travailler à l’extrême la manière de les interpréter et le manque de spontanéité (presque d’humanité ai-je envie de dire) du résultat est flagrant, tout particulièrement en « live » (j’étais parmi les quelques chanceux présents au « Cirque Royal » ce 18 février)
Je trouve cela particulièrement dommageable car la grande qualité de « PJ Harvey » a (pour moi) toujours été la transmission, à fleur de peau, d’émotion subtilement violente, qu’elle soit primaire ou affective... (à ce propos, la voir faire « Pig will not » (en 2009…déjà) reste une des expériences les plus bizarrement intenses de ma vie) Son œuvre a toujours été bien au-delà de la musique, elle doit être (toujours selon moi) appréhendée comme un scénario attendant d’être mis en image. Scénario que Polly nous invite à tourner, à filmer dans notre tête en écoutant ses albums et, dans le cas de son dernier effort studio, je n’ai jamais vraiment pu me défaire de l’impression qu’elle avait déjà fait le plus gros de cette mise en scène par le travail énorme effectué en amont sur les paroles.
Bien sûr, « Let England Shake » ne fait absolument pas tache sur la discographie de la belle Anglaise (oui, chère et tendre dulcinée, Polly est belle !) mais, plus que jamais, je ne suis pas certain que privilégier l’excellence musicale au détriment de l’émotion soit recommandable…
En vous remerciant, bonsoir !
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