criTiQue 0034 : Aux frontières du réel

 



Salutation,

 

Si on m’avait dit que je regarderais un jour une série sur des catcheurs, j’aurais certainement répondu avec mon (injustement) impopulaire sarcasme.

Une preuve ? Même la présence d’Alison Brie dans « Glow » n’a pas réussi à me convaincre de jeter un œil sur une série traitant de catch féminin…C’est dire !

Et si je précise que je ne suis spécialement fan du monofacial Stephen Amell (qui tient le rôle-titre), il devient carrément étrange que je me sois pourtant décidé à donner de mon précieux temps pour « Heels ».

 

Mais bon, si on peut m’attribuer beaucoup de défauts, la curiosité télévisuelle n’en fait certainement pas partie, et à force de lire des bonnes choses sur cette nouvelle série, n’écoutant que mon courage, j’ai appuyé sur « play ».

 

De quoi parle-t-on ?

Bah de catch ! (duh…)

Mais pas vraiment en fait.

Comme toutes les séries aspirant à un tant soit peu de profondeur, le sujet principal n’est que la toile de fond sur laquelle se matérialise tout ce qui fait d’un tableau un chef-d’œuvre ou une croûte.

Ce dont on parle réellement, c’est de deux frères, de leur fragilité de mâle ; de leur envie de s’élever au-dessus de leur condition.

On y parle d’une petite ville, où tout le monde connait tout le monde, une bourgade de péquenots perdue quelque part en Géorgie qui semble figée dans tout ce qu’elle a de plus suranné.

Ce qu’on nous propose, c’est une mise en abyme, un faux-semblant où les personnages de ring, censés être des rôles, nous en disent parfois plus sur ceux qui les incarnent que la personne elle-même.

Jack (Stephen Amell), l’ainé, semble porter le monde sur ses épaules. Contenant tant bien que mal un tourment perpétuel qui le ronge autant qu’il l’anime : rendre sa splendeur d’antan à la ligue de catch que lui a laissé son père.

Quant à lui, le cadet Ace ne semble vivre que la gloire. Gamin attardé semblant condamné à être en rébellion contre un frère qu’il admire autant qu’il exècre.

Un mot rapide sur la présence au casting de Chris Bauer qui, alors que je le croyais condamné à jouer éternellement une variation de son rôle de gardien de prison dans « Prison Break », continue de me prouver ici (après l’avoir trouvé excellent dans la non moins excellente « For all mankind ») qu’il peut absolument tout jouer !

 

Mais revenons à nos coqs en slip de bain : si j’utilise « semble » (ou une variation) tous les deux mots en parlant d’eux, ce n’est ni un hasard, ni un manque d’inspiration.

Tout n’est qu’apparence dans ce monde. Comment les entretenir, comment les utiliser dans un seul but : amener du monde autour de l’arène.

Ce sacerdoce est particulièrement prégnant pour Jack dont on n’arrive pas à déterminer s’il souffre ou s’il se délecte de l’image de méchant (ou « heels » dans le jargon du catch) qu’il s’efforce de véhiculer.

Mais là où la série m’a conquis, c’est sur sa volonté de ne pas tomber dans la facilité. Alors que la fin de cet épisode me paraissait cousue de fil blanc, le show révèle qu’il n’a pas peur d’explorer la dualité de ses personnages : les bons gars peuvent être des salauds pour qui la fin justifie les moyens et les salauds sont aussi des victimes qu’on cantonne à ce qu’ils ne veulent pas être.

L’épisode se termine alors sur ce constat froid, implacable ; offrant un précepte parfait à la série :

«Don’t matter, it ain’t real… »

 


En vous remerciant, bonsoir !

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