criTiQue 0039 : d'un goût à l'autre

 



Salutations,


Bienvenue à Hollywood !

Nous suivons ici Lisa Nova, une jeune femme comme il en existe des dizaines de millions : avant longtemps, elle va faire confiance à une enflure.
Pas exactement nouveau...
Un peu de la même manière, « Brand new cherry flavor » a d’abord l’air du même show qu’on a mille fois goûté.
Mais ne nous emballons pas, comme je le laissais entendre, la série se déroule à ‘Hollywood’...Et, là-bas, tout est trompeur... surtout les apparences !
Lisa va donc se faire rouler par un producteur, un ‘has-been’ en devenir qui cherche de plus en plus désespérément un moyen de retrouver son lustre d’autant. Aussi, quand une nouvelle opportunité se présente sous la forme d’une jolie aspirante réalisatrice, il n’hésite pas à la prendre sous son aile en lui promettant monts et merveilles.
Un homme qui aide une jolie femme sans autre motif que de l’aider est une denrée rare, voire un mythe ; et Lisa apprend à ses dépens que ce cliché n’en est pas un par hasard (et à fortiori dans le monde du cinéma) : ses droits artistiques sur son court-métrage sont compromis quand il devient clair qu’elle ne se laissera pas passer à la casserole par son mécène.
L’enflure mérite donc une bonne leçon...Et il va la recevoir... Mais comment s’y prendre ?
 
Voilà pour l’incipit, mais que cache cette lecture plate du commencement de cette histoire ?
 
Dès les premiers instants, au-delà de sa relative naïveté, il apparaît clair que la miss est à part. Ce qui amène d’ailleurs quelques personnes aux mœurs étranges à lui vouer un intérêt malsain. Ces apparitions sont à la fois intrigantes et agaçantes : on nous tease un peu lourdement, tantôt de manière maladroite (elle est suivie par l’inévitable gars à moto qui reste dans l’ombre), tantôt de manière clichée (elle se fait accoster par la folle de service qui lui explique qu’elle peut ‘faire du mal à ceux qu’elle souhaite’) ; que cette fille un peu niaise sous ses grands airs de ‘no-nonsense, no bullshit’ recèle quelque chose de spécial.
Et vous venez, sans vous en rendre compte, de lire la seule critique que j’ai à formuler sur cet épisode...
Elle n’est pas d’une violence rare, vous en conviendrez...
Car s’il ne fait aucun doute que la série prend son temps pour amener sur le devant de la scène ce qui fera son sel, il est tout aussi certain que le jeu en vaut la chandelle : on finit par basculer complètement ailleurs, loin (très loin) des préoccupations finalement triviales d’une réalisatrice en quête de sa chance.
On finit dans le bizarre et l’inquiétant, dans le glauque et le mystérieux ; avant qu’on ne s’en rende compte, on est dans un monde qu’on va avoir du mal à quitter, qui exige qu’on continue à le découvrir...malgré l’angoisse et la répugnance, malgré la peur et le malaise, on sait qu’on va rester.
Je me rends compte que c’est à mon tour de faire de l’aguichage maladroit, mais en toute honnêteté, on a ici affaire à un animal bizarre qu’il vaut mieux apprivoiser soi-même.
 
De toutes manières, « Brand new cherry flavor » a plus à donner qu’un univers biscornu !
Tout d’abord, un premier rôle impeccable de bout en bout !
Je vais essayer de modérer mon admiration... Ou pas, car Rosa Salazar (Lisa Nova donc) passe d’un bout à l’autre d’un spectre émotionnel aux allures de grand écart avec une intensité dans son regard noir tout bonnement magnétique. Elle est un point d’ancrage sans faille, nous guidant de plus en plus profondément dans ce qu’on peut difficilement éviter de décrire un peu sempiternellement comme le terrier du lapin.
Voilà, je vais m’arrêter là, je crois que c’est clair : je l’ai trouvé parfaite dans un rôle qui tient du numéro d’équilibriste.
Mais le reste du casting est au diapason : Catherine Keener et Eric Lange font le job avec assurance et juste ce qu’il faut de folie pour garantir une immersion sans faille !
(Et juste parce que ça fait quand même toujours bizarre de l’entendre parler, je vais aussi mentionner qu’on peut y voir Manny Jacinto, l’hilarant ‘Jason Mendoza’ dans l’excellent ‘The good place’)
 
Ensuite (et surtout), comment ne pas mentionner la manière dont l’histoire se dévoile en exploitant les faux-semblants. Rappelez- vous, on est à Hollywood, et la série se sert de ce fait pour nous garder dans un état de doute perpétuel sur ce que l’on voit.
Chaque personnage joue sur sa dualité, exhibant des attitudes dont on ne peut jamais être sûr qu’elles ne soient pas un rôle joué dans le seul but d’atteindre un objectif.
L’enflure/producteur nous rappelle sans cesse cette évidence : tout le monde est en quête de quelque chose en ce lieu où les apparences font office de réalité...Tout est faux et tout est vrai, la seule variable est ce qu’on cherche à obtenir.
De fait, rien ne semble jamais acquis dans ce foutraque jubilatoire : les gens ne sont pas ce que l’on croit, les échecs se transforment en succès (et vice-versa), le burlesque se mue souvent en horreur (là encore, l’inverse est tout aussi vrai),… J’en passe et des meilleures.
Heureusement, il y a un fil d’Ariane ; quelqu’un qui vit au premier degré tout ce qui lui arrive : c’est dans le personnage de Lisa que se trouve certainement la réponse aux nombreuses questions que l’on se pose en regardant cet exercice maitrisé.
Un autre personnage, celui de 'Boro' (qui, si on voulait persister à tracer un parallèle avec ‘Alice aux pays des merveilles’, tiendrait le rôle du lapin blanc), nous en informe d’ailleurs (en s’adressant à Lisa, mais elle pourrait tout aussi bien s’adresser à nous) :
" It’s going to be a little fucked up, but the good news is : it will only get as fucked up as you are…"

 
En vous remerciant, bonsoir !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire