criTiQue 0031 : Mon père, ce héros

 

Shit-my-Dad-Says

Salutations,

 

Après des décennies de bons et (dé)loyaux services, il semblerait que « Le Rêve Américain » ait bel et bien décidé de passer sa retraite sur internet.

La multiplication des cas de glorifications de quidam dont le seul talent est de savoir utiliser un ordinateur ne laisse plus de place au doute : Le miracle de la « success story » version 21ème siècle est numérique…Et donc, même si le « Cyber Bol » est indispensable, de nos jours, il faut être capable de provoquer le « Destin.com »

 

Prenez Justin Alpern.

Scénariste sans emploi fixe et bloggeur à ses heures perdues (il écrivait tout de même pour le compte du magazine « Maxim ») qui, par facilité, se force à faire un petit retour à la case « maison des parents ».

Ce séjour va changer sa « vie virtuelle » (pour un temps, à tout le moins)

Il lui vient à l’esprit que ce serait « cool » de garder une trace des déclarations au goût douteux de son paternel...Car il se trouve que ce monsieur a un avis très personnel et une philosophie bien à lui sur tout un tas de choses...Rien d’exceptionnel jusque là, vous en conviendrez, nous avons tous ce genre de personne dans notre entourage. Néanmoins, c’est à ce moment que le « Destin.com » intervient : Au lieu de compiler les commentaires sarcastico-réactionnaires de son papounet à l’aide d’un bête traitement de texte, Alpern décide de les piéger pour la postérité sur la « Toile ».

Il ouvre un compte « Twitter » à cet effet et son « Cyber Bol » fera le reste : Ce sont bientôt deux millions de personnes qui viennent s’abreuver de la sagesse du « Père Alpern »…

Un tel engouement populaire ne pouvait manquer d’attiser les convoitises et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, voilà notre bloggeur à la petite semaine propulsé auteur à succès (le livre tiré des répliques spirituelles de son vieux se vend comme des petites clés USB) et, tout aussi vite, il devient le Co-scénariste, Co-producteur d’une série inspirée de son « Miracle Numérique »…Elle n’est pas belle la « wwwie » ?

Voilà pour le décor, venons-en aux deux questions que pose ce « Compte » de fée :

 

Est-ce que cette « Success Story » cachait en elle une bonne « sitcom » ? (et la question subsidiaire) Est-ce qu’un personnage haut en couleur comme on en rencontre parfois dans la « Vrai Vie » donne, ipso facto,  un bon personnage télé ?

Pas la peine de ménager le suspense, ma réponse (aux deux questions) est :

Oui (Cela en avait le potentiel) mais…Non (cela n’est pas le cas)

Etayons dans le mauvais ordre, voulez-vous ?

 

Il m’est vite apparu évident que « Ed Goodson » (le personnage du père) avait tout pour devenir culte, tant ses reparties délicieusement irrévérencieuses sont, effectivement, un matériel scénaristique aussi jouissif que corrosif...Malheureusement, là où « Seinfeld » et son fameux « No hugging, no learning » (pas de câlin, pas de leçon) refusait toute concession au « Politiquement Correct « , Ed Goodson est empoisonné avec l’eau de rose utilisée à la faveur des nombreuses tentatives de montrer que, au fond, il n’est pas un méchant…
Ces amers manques de courage m’ont invariablement laissé un désagréable arrière goût de guimauve dans la bouche et j’ai plusieurs fois dû déplorer la perte d’un bon épisode, irrémédiablement gâché par l’incapacité des producteurs de se résoudre au fait que Ed ne pouvait pas plaire à tout le monde…Le personnage est bon…il aurait pu être exceptionnel si les décideurs avaient eu les couilles de faire de lui l’incorruptible asocial qu’ils ont essayé de nous vendre au début...

C’est d’autant plus dommage que l’interprétation de William Shatner est authentiquement savoureuse et c’est souvent avec peine que je le regardais faire un grand écart entre sarcasme et fragilité aussi parfaitement exécuté qu’il était inutile et forcé (scénaristiquement)

 

Quant à la série en elle-même, dès le départ, elle est plombée par la sur-écriture de dialogues où les mécanismes de placement du « bon mot » et de la répartie décalée sont bien trop visibles (ou audibles devrais-je dire). Cela se traduit par un manque de fluidité dans les échanges qui empêche l’illusion d’assister à une véritable conversation d’opérer.

De plus, rapidement, le personnage du fils commence à disparaître à l’arrière plan, finissant par donner l’impression de n’être qu’un vulgaire personnage secondaire. Cette discrétion de plus en plus flagrante est particulièrement dommageable pour la qualité générale de l’ensemble car c’est la dynamique père-fils, l’antagonisme de leurs caractères et de leur façon d’affronter la vie qui, pour ma part, faisait la richesse et l’intérêt de cette adaptation.

 

Malgré tout cela (ou peut-être à cause de tout cela…Les goûts et les lubies du public américain restent, la plupart du temps, aussi incompréhensibles à mes yeux que certaines décisions des chaînes de télé qu’il regardent), la série avait trouvé un public (dix millions de personnes en moyenne, ce n’est tout de même pas négligeable) et j’ai été étonné de découvrir (pas plus tard qu’il y a quelques jours) que « CBS » (la Chaîne) ne reconduirait pas « Shit ! My dad says ».

Cela ne représente pas un drame, ni pour moi, ni pour la télévision et si vous n’avez jamais l’occasion de vous délecter de la mauvaise foi d’Ed Goodson, vous ne raterez rien d’inoubliable…Mais, dans le cas contraire, peut-être tomberez-vous d’accord avec moi :

On est passé à côté de quelque chose de grand…

 

En vous remerciant, bonsoir !

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